"Il y a bien longtemps, en
l'an de grâce *crouic* *dzjjjj* (données indisponibles), l'être
humain découvrit et maîtrisa la micro-fusion nucléaire.
Au même instant, les dieux se réveillèrent. Non qu'ils fussent
courroucés de cette découverte géniale au demeurant - les
dieux et les occupations oisives des mortels, vous savez... mais leur sommeil
s'était prolongé bien trop longtemps pour eux. Bien entendu, les
dieux se prirent immédiatement de bec, et ce durant *crouiiic* *krr*
*krr* *dzzzt* (données indisponibles) millénaires, détruisant
sur leur passage une civilisation qui ne leur avait pas fait grand chose de
répréhensible et ne laissant que quelques ruines et de rares survivants
qui, hagards, surfaient sur les débris de continents flottant à
la dérive sur les océans de colère déchaînés
par les dieux.
Mais la bataille avait été fatigante pour la majorité d'entre
eux - sauf pour Rama et Amar, les jumeaux, puisqu'ils n'avaient pas vraiment
participé au combat. Tous deux se haïssaient avec une habitude et
une force si légendaire qu'ils avaient peu à peu monté
les dieux les uns contre les autres en deux groupes distincts, manipulant sans
vergogne les créateurs de mondes pour accomplir la destruction de l'autre
et pouvoir s'en retourner à la pêche à la truite peinard.
Les dieux, donc, étaient fatigués pour la plupart, et, bien que désireux de continuer ce combat pour lequel apparemment "on" les avait réveillés, ils se doutaient que continuer ainsi ne servirait qu'à la destruction définitive de leur terrain de jeu gratuit - avec tous les problèmes de reconstruction de planète et de terra-formation qui vont de pair avec un tel événement. Ils décidèrent donc de se créer chacun une race bien à soi, pour remplacer ces bidasses humaines inefficaces et criardes et pour se latter dessus encore pendant quelques millénaires. On créa donc, on complota pour bidouiller les créations des autres, on abandonna celles jugées trop faibles - ou trop inintéressantes, on ne sait trop - et l'on finit par arriver à ce que nous connaissons tous aujourd'hui.
Les premiers arrivés - et premiers à taper aussi - furent les Krills, comme vous le savez tous, la version géante et humaine de la fourmi rousse. Versatiles mais un peu trop sociaux, les immenses bataillons qu'ils formaient foutaient quand même pas mal les jetons aux N'Grehns, les deuxièmes à débarquer sur le sol - au préalable re-solidifié - de notre planète. Un dieu un peu simple apporta ses Borges de trois mètres avec leur corne en lieu et place de cerveau - quelle utilité pouvait avoir un cerveau sur un combattant à cette époque ? - lesquels fritèrent immédiatement les deux précédents sans distinction - avec pas mal de succès, même. Puis, peu à peu, les N'Grehns eurent faim, et remarquèrent la présence, au bord du champ de bataille, d'un grand groupe de voyageurs épuisés, de petites créatures d'environ soixante-dix centimètres de haut, avec de petites trompes pelucheuses, six pseudopodes en lieu et place de bras, deux mignons petits yeux attendrissants et "Togwills" inscrit sur leurs T-Shirts. Immédiatement, un contact d'une franche amitié se fit : les N'Grehns, grands prédateurs d'allure canine au flair développé et aux goûts culinaires subtils, avaient enfin trouvé à manger.
L'affrontement devint sanglant, les troupes arrivant par milliers de tous les côtés à un rythme effréné ; la lutte s'équilibrait pour les Togwills, puisque l'un des leurs avait trouvé l'occasion de se lier d'amitié avec un Borge, lequel, s'il n'a pas grand cerveau, a bon coeur et une certaine affinité d'esprit pour ces êtres mignons tout plein; fait étonnant, bien que terriblement différentes, les deux races allaient se révéler les plus grandes alliées au cours des siècles, chacune compensant les faiblesses de l'autre par de grandes qualités.
La bataille fit rage pendant de nombreuses années, et petit à petit des communautés se formèrent, avec l'arrivée des trois dernières races. Les Gwemms, des polymères intelligents de forme humanoïde qui, s'ils étaient très souples, n'appréciaient que modérément le combat et préféraient se lancer mutuellement des défis de contorsionnistes ou de marathoniens, participèrent à l'élaboration des premiers villages, lesquels furent bientôt dirigés par les Xentars, des êtres de chair dérivés de l'humain standard, auxquels on avait ajouté un immense cerveau, une pilosité de couleur blanche ou grise très abondante, des capacités psychiques impressionnantes et un absolu manque d'humour. Quant aux Loomies, les derniers arrivés, leur dieu, s'il les avait conçus dans l'idée d'un soutien à apporter à son allié créateur des N'Grehns, avait surtout généré une nouvelle race de médecins géniaux, sous la forme d'étranges créatures aux longs poils, de taille très moyenne, dont on ne voyait jamais aucune partie du corps à l'exception des extrémités pieds-nez-bras et qui avaient la fâcheuse habitude de manger leurs propres poils en parlant, ce qui les affublait d'un défaut de prononciation très déroutant.
Tout ce petit monde se battit, chacun à
sa manière, durant encore *crooouic* *crr* *crr* *dzzz* *ksssh* (données
indisponibles) siècles dans une allégresse très relative.
Et puis un jour, aussi soudainement qu'ils s'étaient réveillés,
les dieux, fatigués de tant de batailles, se saluèrent bien poliment,
se souhaitèrent une bonne nuit et se couchèrent pour un profond
- tout le monde l'espère en tout cas - sommeil. Les affrontements cessèrent
presque aussitôt et, puisque les créateurs et arbitres s'étaient
réfugiés dans les bras de Morphée, leur amie d'enfance,
les belligérants déposèrent leurs armes, se regroupèrent
selon leurs affinités respectives et fondèrent bourgs, villages,
cités et villes, et ce dans un calme relatif durant quelques gros paquets
de décennies. Les uns et les autres vivaient dans une relative paix,
chacun préférant pour un temps construire plutôt que détruire
- et puis, il est plus agréable de voir un Togwill siroter son sirop
de pflukz au poireau au bar, avec à ses côtés son ami Borge
qui dévore un PENI (Plat Enorme Non-Identifié) tout en discutant
quelques mots avec leur pote Krill qui rêve d'une ferme paisible et de
troupeaux à élever, tandis que le groupe de N'Grehns assis plus
loin fait taire le gargouillement de ses ventres à la vue de ce splendide
bout de steak fourni avec sauce au poireau... seulement voilà, tous les
dieux ne s'étaient pas endormis. Pour le plus grand malheur des populations,
Rama et Amar, qui s'étaient planqués derrière la Lune à
l'heure du dodo, retournèrent sur la Terre et regardèrent les
résultats de leur guerre, chacun de son côté. D'un commun
accord désaccordé, ils constatèrent que cela ne pouvait
pas recommencer. Les continents étaient encore une fois déformés,
les côtes cisaillées, les montagnes érodées et les
fleuves asséchés, mais pire encore, les races que leurs collègues
avaient créées se liaient d'une amitié détestable.
Il fallait réagir. De son côté, Rama créa sa première
race, les Dhaimôns. Il les envoya sur Terre avec pour mission d'infiltrer
tout ce qui pouvait être organisés chez ces peuplades primitives,
de leur fournir de l'armement technologique pour qu'ils se re-tapent dessus
et de détourner toutes les lois à leur avantage - et au finish
à son avantage à lui. Amar fut d'abord si étonné
qu'il en perdit sa concentration et une bonne partie de son énergie,
laquelle tomba sur une montagne, au milieu de ce qui, quelques *crouic* *bzzzut*
*ccrrflut* milliers d'années auparavant, avait été les
Cheyennes. Il se rendit compte ensuite que, s'il pouvait encore imaginer sa
propre créature à lui, il ne pourrait pas en créer beaucoup
d'exemplaires et que, s'il voulait encore contrecarrer les plans de son terrible
jumeau - qui n'était plus terrible que lui que parce qu'il avait un peu
d'avance - il devait à tout prix utiliser les gens de la surface pour
éliminer le plus de Dhaimôns possibles, avant de les exterminer
avec ses Zhenjes à lui. Et c'est ainsi qu'il créa la Grande Eglise
du Pardon Sanctifié et Unificateur - Groupe d'Intervention Anti-Dhaimôns
(GEPSU - GIAD), à l'endroit, fort propice, où une parcelle d'énergie
déchiquetant un pic avait attiré un groupe de douze Xentars intrigués.
Il leur apparut dans toute sa splendeur, en robe de chambre luminescente, et
leur écrit en mots de feu les commandements du chasseur de Dhaimôns,
lesquels sont encore partie intégrante de la charte d'inscription à
la GEPSU - GIAD :
1) Butez-moi ces putains de Dhaimôns
2) Donnez-moi votre énergie tous les lundis soirs
3) Et encore merci pour le café, c'était sympa
Quoique le dernier commandement ait tendance à disparaître dans les textes écrits par les réformateurs les plus jeunes - lesquels, n'étant pas certains de sa signification, préfèrent ne pas se perdre en conjectures et en revenir à l'essentiel, buter du Dhaimôn. Les douze Xentars, qui se nommèrent eux-mêmes plus tard Prims Au GEN (Grand Engouement Nouveau), fondèrent ainsi la première secte militante fondamentaliste du nouveau monde, un groupe formé actuellement, quelques deux cents ans plus tard, d'un petit millier de chasseurs en mission à travers le continent et d'une centaine de membres fixes à la base de base du mouvement de base, c'est à dire l'ancienne base de silos nucléaires de l'Armée des Etats-Unis d'Amérique des Cheyennes (personne n'a jamais réussi à savoir ce que cela signifiait, mais les douze disaient qu'il s'agissait de mots de pouvoir à une époque reculée - tout le monde les a crus, puisqu'ils étaient les Prims Au GEN... n'empêche...).
Le groupe est relativement bien armé,
puisqu'il a profité tout au long de ses activités des cadeaux
généreux des premiers Dhaimôns, lesquels ne virent se pointer
la réelle menace que lorsque l'un d'entre eux, il y a à peine
cent ans, périt dans l'explosion de sa maison - explosion qui, par ailleurs,
rasa les trois quarts de la ville où il résidait, mais cela n'a
que peu d'importance. Le mouvement avait prouvé - enfin - la possibilité
de sa mission. Le plus gros du travail était fait."
Si quelqu'un sur la planète connaissait parfaitement les données
historiques, c'est à peu près ainsi qu'il conterait l'histoire
des événements qui firent passer l'humanité du rang de
maîtres du monde à celui d'esclave de tout le monde. Seulement,
personne ne connaît vraiment toutes les parcelles - en tout cas pas les
détails des luttes inter-divinités.
La planète a bien changé, maintenant.
Les continents ont été tellement déplacés qu'avec
une carte du 21ème siècle humain, il serait difficile de retrouver
encore plus de six ou huit lieux intacts - la base du GEPSU - GIAD en est un,
d'ailleurs. De nombreuses villes et de nombreux villages se sont formés
- surtout sur ce même continent, puisqu'il fut celui sur lequel les armées
se battirent tout le temps. Les autres continents sont inconnus et inexplorés.
Les moyens de communication étant devenus ce qu'ils sont, on peut aisément
passer d'une bourgade fortifiée dans le style gaulois (palissade en bois,
maisons basses de construction rudimentaire...) à, quelques centaines
de kilomètres plus loin, une ville du 20ème siècle reconstruite
- mais c'est un exemple rare, les villes dépassant rarement le niveau
du 19ème siècle.
La technologie aussi est variable, et certainement
liée à la taille de la population du lieu : plus il y a de monde,
plus le Dhaimôn du coin va refiler d'armes technologiques, de gadgets
électroniques, le tout avec leurs plans, aux industries locales, qui
se voient confier la chouette mission de faire un gros bénéfice
sous licence et sans frais de recherche et développement. Les guerriers
d'un village d'une centaine d'habitants seront armés de piques, d'épées,
de toute arme imaginable forgeable de la préhistoire au 14ème
siècle. La poudre n'ayant pas été redécouverte -
après tout, les armes énergétiques c'est lumineux et vachement
plus joli, les militaires ou miliciens d'une ville 18-19ème siècle
possèderont les armes technologiques décrites dans la section
"Armes".
Les moyens de communication dans une bourgade
seront limités au porte-voix et aux moyens naturels courants, tandis
qu'une ville plus moderne possédera sans doute un réseau téléphonique
cellulaire, peut-être même un réseau informatique.
Tout ce qui se trouve entre les groupements d'habitations - en clair, la nature
sauvage - est vraiment sauvage, du normal au pire. On peut imaginer n'importe
quoi, de toute façon le monde est devenu n'importe quoi.
Les déplacements se font selon les mêmes règles que précédemment.
Les véhicules de type moderne (camions, voitures et autres véhicules
roulants ou volants) fonctionnent pour la plupart comme les armes (packs d'énergie),
mais on trouve encore des modèles à essence qui ont survécus,
ainsi que des citernes. De toute manière, un Xentar a découvert
il y a cinquante ans le principe du raffinage du pétrole - par pur hasard
d'ailleurs - et s'est instantanément mis à le commercialiser dans
sa région. Nul doute que l'essence n'arrive un jour près de chez
vous - on n'arrête pas le progrès en marche !
Les races, quant à elles, se sont plutôt
bien regroupées. Les bourgades ont tendance à être constituées
d'individus de la même espèce - ou de groupes d'espèces
avec de fortes affinités - mais les villes sont en général
très cosmopolites.
Les humains sont, à peu près partout, considérés
soit comme des objets inutiles et nuisibles, soit comme des animaux domestiques
trop bavards, soit comme des esclaves, soit comme des cibles pour l'entraînement.
Les N'Grehns sont en général bien acceptés partout où
ils se rendent, et beaucoup sont ceux qui font appel à leurs capacités
de chasseurs pour sécuriser les alentours d'un groupement d'habitations.
Les Borges sont évidemment placides, aiment la baston simple et sont
tellement potes avec les Togwills que si l'on voit un Borge solitaire dans un
groupe, sont ami Togwill est sûrement caché dans son capuchon -
une méthode standard inventée par deux joueurs talentueux, le
Togwill servant de tourelle arrière au Borge (merci Jo et Seb...). Tous
deux vivent aisément en communauté, l'un travaille avec ses muscles,
l'autre fignole tout ce qui est technologiquement bidouillable, du moment que
vous lui fournissez du sirop.
Les Gwemms, déçus du manque de souplesse de la plupart de leurs
colocataires de planète, décidèrent depuis longtemps de
se regrouper dans des villes au design très torturé, bourrées
d'angles impossibles, de trompe-l'oeil et de bizarreries architecturales qui
les rendent pénibles à explorer pour tout être normalement
constitué - les Gwemms s'en foutent, ils n'ont pas la fibre touristique.
Les Loomies, quant à eux, sont acceptés partout, puisqu'ils guérissent
tout le monde avec autant de brio. On a même récemment tenté
d'apprendre leur langage, mais la plupart du temps avoir mal suffit pour se
faire comprendre d'eux.
Les Krills se sont soit adaptés aux modes de vie individualistes de leurs
coplanétaires, et vivent en ce cas en remplissant en général
les mêmes offices que les Borges, en étant souvent leurs supérieurs
hiérarchiques - aaah, la hiérarchie vue par les Krills... soit
ils ont fondé leurs propres fourmilières, lesquelles sont des
immenses cités s'étendant sur plusieurs centaines de kilomètres
de long et sur des profondeurs inouïes, regroupant des milliers de milliers
de Krills socialement dépendants de leur reine - ils ont reproduit autant
que possible le schéma de fonctionnement de leur cousine fourmi rousse,
ce qui les a par conséquent rendus un peu plus sauvages que leurs collègues
des villes. Ils sont néanmoins peu expansionnistes et pratiquent un contrôle
des naissances zélé, ce qui les empêchent en général
de dévorer sur le territoire des autres, bien que cela puisse arriver
un jour ou l'autre.
Les Xentars, enfin, règnent sur le monde. C'est d'ailleurs très
simple, ils ne savent faire que trois choses : chercher des réponses,
des trucs, des solutions, des formules dont tout le monde se fout, gouverner
les autres ou dévier les énergies psychodynamiques pour leur propre
usage. Il faut avouer qu'ils se défendent plutôt bien dans ces
trois disciplines, ce qui fait que leurs attributs sont rarement contestés.
Les Dhaimôns, eux, règnent également sur le monde et ne
savent également faire que deux choses : pourrir la vie des gens de manière
lente et insidieuse et régner. Leurs attributs ne sont contestés
que par les Chasseurs de Dhaimôns. Ils sont plutôt bien infiltrés,
de sorte que n'importe quel groupement d'être vivant doué d'une
vague pseudo intelligence a 64% de chance d'être gouvernée par
l'un d'eux - officiellement ou officieusement, d'ailleurs.
Les Zhenjes, eux, n'apparaissent que rarement dans le monde des vivants normaux.
Ils sont si peu nombreux que Amar tend à les surprotéger.
©Varkhan 1997-2013